Le Monde du Travail dans 20 ans ?
08 mars 2009
Je viens de lire quelques réflexions très intéressantes sur identités actives concernant l'évolution du CV : le CV sera-il un e-portofolio, le CV reflétera-t-il la réputation en ligne, le CV va mourir, etc, etc,.. je vous laisse lire ces articles tous intéressants par le fait qu'ils sont argumentés et permettent d'appréhender plusieurs idées souvent fortement contrastés ce qui en fait toute la richesse.
Je remarque que beaucoup d'articles partent souvent de l'imagination de chacun sur l'évolution du CV : comment on l'imagine ou plutôt comment nous aimerions qu'il devienne. Pour enrichir ce débat je vais plutôt le prendre par l'autre côté : le côté marché.
En effet le CV correspond à une offre de service d'un individu qui se situe en face d'une demande (à priori solvable, en tout cas on l'espère...) on peut donc parler d'un marché, le Marché de l'Emploi, je ne vous apprends rien. Par contre si on fait partir la réflexion de ce point de vue, il faut donc considérer un système dynamique où la demande s'adapte à l'offre (la forme du CV) et inversement jusqu'à une convergence des intérêts qui aboutie à l'embauche de l'émetteur du CV.
Dans le monde d'aujourd'hui nous sommes plutôt dans une optique général où on parle de demandeurs d'emploi plutôt que d'offreurs de services/compétences.
Néanmoins continuons le raisonnement, la question de la forme du CV sous-tend donc la question que sera le marché du travail en 2030 ? (j'ajoute 10 ans à la discussion évoquée en introduction). Question dont j'aimerais beaucoup avoir la réponse, mais essayons tout de même d'en étayer les contours à partir des tendances actuelles.
1. De plus en plus de demandeurs d'emplois au niveau mondial
La population mondiale croît, c'est un fait elle est passée en dix ans (1995 à 2005) de 3,9 à 4,6 milliards, en 2015 les projections la place à 5,35 milliards de personnes dont les 2/3 seront économiquement actives (sources Institut Manpower). Cette masse de nouveaux de nouveaux actifs viendra principalement des pays en voix de développement. Dans le même temps les "vieux" pays industrialisés manqueront de main d'œuvre en raison de leur vieillissement. Aussi pour combler ce manque il est fort à parier que ces Etats devront jouer sur plusieurs effets cumulés : les progrès technologiques, sous-traitance à l'étranger, de l'immigration et notamment du recul de l'âge de la retraite qui est déjà engagé même si c'est aujourd'hui.
2. La nature du travail va évoluer
Malgré la crise économique et les bonnes résolutions passagères évoquées ces dernières semaines, les financiers resteront, avec les consommateurs les maîtres de l'évolution de l'économie, leurs intérêts passeront avant ceux des travailleurs. Les utilisateurs seront intégrés de façon plus actives et en amont dans les processus de fabrication. La durée de vie commerciale des produits va chuter fortement (aujourd'hui la durée de commercialisation d'un mobile est d'environ 3 mois, 6 mois pour les meilleurs produits). Pour ce faire de plus en plus de processus automatisés verront le jour, c'est à dire que nous aurons de nouveaux types de collègues de travail : des processus complètement automatisés qui feront seuls une partie du travail (plate-forme de génération d'appels d'offres, d'enchères inversées,...) avec lesquels nous devront tergiverser (car en 2030 nous n'arriverons pas encore à négocier avec un processus...). Cette accélération du rythme de vie des produits impliquera une adaptation en temps réel des compétences des travailleurs ce qui sera difficile. L'entreprise aura besoin non plus d'une personne avec un certain profil ou potentiel mais plutôt d'une personne directement opérationnelle sur le sujet "à la mode" du moment.
L'entreprise misera alors moins sur la fidélité de ses collaborateurs qui eux-mêmes n'attendront plus rien de leur entreprise, les salariés perdront tout sentiment d'appartenance et deviendront des experts individuels. De part la forte demande (faite aux travailleurs) de flexibilité des compétences impossibles à acquérir dans les temps imposés par la loi du marché, les entreprises seront une mosaïques d'employés auto-entrepreneurs qui vendront leur compétences à un instant T à une entreprise E qui en a besoin pour une durée D. La durée de la retraite reculant, l'obsolescence des connaissances étant de plus en plus rapide quelle forme prendra la formation continue ? Ceci mériterait sûrement un billet complet (plus tard peut-être). Laissez moi revenir à nos moutons...
3. Aujourd'hui on part du principe qu'une entreprise doit durer dans le temps, ce ne sera plus le cas
Il y a, à mon avis, un risque de disparition des petites et moyennes entreprises sous leur forme actuelle, les grandes entreprises deviendront plus grosses et les autres n'auront que des durées de vie très courtes surtout celles travaillant dans le monde virtuel, donnons un exemple concret :
Pour la majorité des entreprises (les petites et moyennes) le ROI de l'entreprise devra se faire sur des périodes de plus en plus courtes. On ne vous posera plus la question : "où sera votre entreprise dans 3, 5 ou 10 ans ?" La question deviendra ridicule et je pense que pour faire face au marché les entreprises devront fonctionner par projets, comme un film de cinéma : un film c'est une entreprise temporaire qui réunit pendant une durée déterminée un budget, une équipe, un projet, quand il est terminé il est rentable ou non et les équipes deviennent des intermittents du spectacle, dans un modèle "d'entreprise jetable" qui risque de se développer pour les raisons décrites plus haut, les employés deviendront des intermittents du travail (ce qui posera sans doutes des problèmes liés à l'indemnisation, existera-t-elle toujours dans un monde composé principalement de travailleurs auto-employés ?).
L'entreprise sera "jetable" dans son activité produits mais existera toujours dans sa structure légale, seul un noyau d'employés résistera au changement comme dans un film, ou le réalisateur conserve sa garde rapprochée mais change d'acteurs. Dans ce cas alors que le profil du candidat "de base" risque donc de s'éclipser face à sa compétence instantanée directement utilisable on verra apparaître de nouveaux type de profils (la garde rapprochée). En effet pour gérer ces environnement dynamiques que cela soit du point de vue produits, ressources humaines, il sera nécessaire de disposer de super-profils qui seront capables de gérer des processus virtuels automatisés avec lesquels on ne négocie pas, des employées "temporaires" , des produits très diversifiés, des technologies pointues et en constante évolution, ces profils seront les seuls à survivre "d'un film à l'autre", "d'un produit à l'autre".
4. Du travail en temps masqué va découler une distorsion des prix horaires du travail
La liberté de temps dont disposeront ces nouveaux intermittents du travail sera comblé par des "travaux" annexes, peut être plus proches de leurs hobbies et de leurs aspirations personnelles, chacun aura plusieurs jobs dans la semaine et même dans la journée ou bien encore en temps masqué. En effet les villes deviendront de plus en plus grosses, les banlieues vont s'étendre plus loin des centres villes, considérablement en moyenne et les temps de trajets vont augmenterles outils de communications nomades permettront à ces nouveaux intermittents du travail de "rentabiliser" ces temps contrains, il y aura donc une parallélisation des activités dans un phénomène général d'optimisation du rapport temps/rémunération.
Ce travail en temps masqué/contraint, dans les transports, devant la TV, sûrement plus proche des aspirations personnelles des individus sera moins considéré comme un travail même s'il donne lieu à une rémunération (on a moins l'impression de travailler lorsqu'on regarde la TV en même temps ou lorsqu'on fait une activité proche d'un hobby). La pénibilité perçue étant fortement diminuée le coût horaire associé sera également diminué. Ce dernier point risque d'instaurer une distorsion horaire pour une même activité (entre une ouvrière qui emballe des produits à la chaîne dans l'usine à un rythme effréné et une cadre, ou une mère de famille qui emballe les mêmes produits de temps en temps à la maison en regardant la TV - si elle existe encore - pour pouvoir payer la PS12 du petit dernier).
La bonne nouvelle est que, pour compenser cette déshumanisation des relations à l'intérieur des entreprises les gens devront aussi trouver refuge dans des activités plus gratifiantes à titre personnelle et rechercheront une rémunération indirecte philanthropique, une économie de l'altruisme verra le jour, il produiront des services gratuits qui viendront encore plus distordre le prix de ces services (genre aujourd'hui les services Web 2.0 gratuits car développés le soir par des passionnés qui concurrencent des start-ups qui ne trouvent plus de business models).
5. De nouveaux métiers vont voir le jour
L'espace virtuel va développer de nouveaux types d'activités qui pour beaucoup seront une copie conforme de l'espace réel. On a les cyber-marchants, il y aura des commercialisation d'objets virtuels qui se développeront (aujourd'hui seulement cantonnés aux univers ludiques Second Life,...), des médecins des psychologues du virtuels, des professionnels qui vous aideront à effacer vos traces numériques, des coachs d'Avatars, des avatars-sitters qui les géreront en l'absence de leur propriétaire...car Internet lui, ne dort pas...
Cette super activité et le nombre croissants d'acteurs issus de la génération des digital natives va générer de plus en plus de fraudes qui mènera les Etats à limiter la liberté qu'on peut connaître sur Internet aujourd'hui. Nous verrons apparaître des cyber surveillants virtuels et physiques (des modérateurs pendant les temps masqués).
Cette société d'hyper-cyber-surveillance verra apparaître des José Bové du cyber espace qui iront faucher les connexions des grands surveilleurs (dont Google en 2030 ?). Les paradis fiscaux qui risquent de disparaître seront remplacer par des paradis numériques qui masqueront vos adresses IP, vous créeront des adresses emails temporaires, rerouteront vos flux par des proxy étrangers,...
Les futurs travailleurs, nos enfants devront s'adapter à cet avenir ? Devront ils se battre pour le repousser ? J'espère sincèrement que je me trompe... RV dans 30 ans...
Bon désolé pour cette logorrhée scriptale, j'arrête là car je n'ai même pas le courage de me relire, ça me mine le moral à moi même !!!!
Tout ça est parti d'une réflexion que je me faisais : à quoi ressembleront les CV dans 20 ans ? Promis j'y reviens dans mon prochain billet.
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4 Commentaires
- Le 09 mars, 2009, dumeny.id dit...
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Un article très interessant.
Je partage notamment ton avis sur le coté "jetable" de l'emploi/entreprise.
A mon avis on va s'orienter vers une organisation de type "troupe de theatre".
Un pool de competences qui s'assemblent temporairement sur un projet puis se separent pour se reformer partiellement sur un autre projet.
Le modèle de ce type d'organisation est le cinema. Produire le dernier James Bond est une "entreprise" à 250m$, pourtant cette organisation est ephémère.
C'est motivant certes, mais fini toute notion de sécurité, pas de place pour la faiblesse ou simplement le repos.
Comment conciliera t'on ces organisations et les conges maternite ou simplement les vacances ? - Le 09 mars, 2009, Philippe - le BlogMaster dit...
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C'est effectivement le soucis, je pense qu'on se dirige à terme vers une flexibilité du travail poussée à son paroxisme.
On dit souvent que l'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt, je pense que les expériences des gens "un peu connectés" ou travaillant dans le domaine du virtuel le transformerait plutôt en " l'avenir appartient plutôt aux couches-tard (voire tôt le lendemain)".
Ce qui pose un autre soucis, le temps de repos, de sommeil, nous allons surement nous diriger vers une société d'insomniaques où il faudra gèrer son sommeil comme les navigateurs solitaires... à l'heure des 35h je ne vais pas me faire des amis !!!!
Mais rassurons nous ceci n'est que de la prospective, il y a des chances que ça n'arrive pas, Olivier B. veille... - Le 12 mars, 2009, dit...
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Merci Philippe Attali ;)
- Le 27 avril, 2010, dit...
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Aravis (reseau Anact) (ou je bosse la dessus fait justement une prospective sur le travail dans 20 ans en ce moment, et nous organisons un débat en juin 2010 à Lyon
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