France - USA différences culturelles

France - USA différences culturelles
30 janvier 2006

Pour avoir vécu 2 ans au coeur de la Silicon Valley comme expatrié pour Bouygues Telecom, je me rappelle toujours de l'intense exitation dont je faisais preuve à chaque fois que je revenais en France partager avec mes collègues toutes nos découvertes. En dehors des questions purement relatives à nos activités, et à la vue de mon entousiasme communicatif, les questions étaient souvent tournées autour de "mais qu'est-ce qui est si génial là-bas ?", je vous dispenserais ici de la version longue pour vous livrer la version "ascenceur" (la même chose expliquée entre le 8em étage et le RdC).
En fait je résumais cette différence culturelle par 2 phrases :
- Là-bas l'information est un outil et non un pouvoir
- Là-bas le verre est à moitié plein et non à moitié vide
Celà est vraiment culturel et se traduit au jour le jour dans la vie professionelle mais prend surtout sa source dans la vie personnelle. Un exemple très concrêt qui illustre parfaitement cette différence culturelle :
C'était un jour à la sortie de l'école, j'étais avec ma femme et un couple d'amis américains, ma fille qui était en seconde année de maternelle et la leur, même age, se mettent à courir un peu vite pour leurs petites jambes sur un terrain un peu accidenté. Evidemment les deux mères, anticipant l'étape pleurs et pansements, crient en même temps :
- La française : attention cours pas tu vas tomber !
- L'américaine : attention marche doucement ! (traduction littérale)
Ceci n'est qu'un exemple parmi tant d'autres qui illustre la vision du verre à moitié plein et à moitié vide !!
Dans le monde professionnel aujourd'hui il y a quelquechose qui me "choque" dans les présentations ou les réunions en France alors que c'est quelque chose que je ne "voyais" pas avant mon séjour aux USA. Faites le test : il n'y a aucune présentation ou réunion, en France, sans voir le mot "problème", d'ailleurs plutôt au pluriel qu'au singulier.
En France vous êtes porteur de projet (peu importe son envergure), vous pouvez être sûr que dans les 30 sec on vous a listé tous les soucis auxquels vous allez avoir à faire face. Dans la Silicon Valley, en 30 sec on vous a donné la liste de toutes les personnes, grosses boîtes et start-up que vous devez rencontrer pour réaliser votre projet plus rapidement !!

Un autre exemple : en 2001 les opérateurs mobiles aux USA étaient plutôt très en retard sur les opérateurs mobiles européens (niveau services proposés voix et data), deux ans plus tard ils étaient en avance sur tous les points (sauf sur le taux de pénétration, mais bon, 50% sur 260 millions versus 70% sur 60 millions tout est relatif !!). Pourquoi ? De nombreuses raisons, la principale est que Verizon, AT&T, Cingular, Sprint, Nextel,... ces gros monstres ont la capacité de faire confiance à 6 pesonnes au fond d'un garage qui développent une application innovante, en France ces 6 personnes ont quelques difficultés à trouver le téléphone de la bonne personne chez les gros acteurs. Evidemment je caricature et force un peu les traits, mais à peine....

En résumé, si vous ne connaissez pas cette ambiance de partage et d'échange en France, venez faire un tour aux Mobile Monday, Carrefour des Possibles et autres réunions du même type, elles existent. D'ailleurs dans ces rencontres la probabilité de trouver des français qui ont un jour ou l'autre fait une escale dans la Silicon Valley est plutôt assez élevée !... Mais bon je pense que si vous lisez ce blog c'est que vous avez déjà une pré-disposition intellectuelle au partage d'information vu les quelques commentaires et les nombreux mails que je reçois...
Evidemment tout n'est pas parfait non plus et il y aussi le côté "obscure" de la force, mais je ne vais pas commencer ici à faire mon "Français" et ceci est un autre débat...

Il y aurait tellement de choses à raconter sur cette différence culturelle, beaucoup de livres traitent de ce sujet, je vous conseille "Sacrés français de Ted Stanger", écrit avec beaucoup d'humour, mais il vaut mieux en avoir pour le lire...

Pourquoi j'écris ceci aujourd'hui ? C'est que je viens de lire un article sur Internet Actu qui décrit très bien cette différence, je vous engage à lire l'interview complète d'Alain Juillet "Haut Responsable chargé de l'Intelligence économique auprès du secrétaire général de la défense nationale", rien que ça. Je vous copie ici le passage sur l'information qui rejoint tout à fait mon analyse :

... Alain Juillet : La jeune génération est habituée à surfer sur le web, à changer de paramètres en permanence, elle est prête, intellectuellement parlant. Ce changement culturel est proche d’une véritable révolution. Si on n’y fait pas attention, on pourrait se retrouver avec des générations sacrifiées par rapport aux jeunes.
Car l’information, dans le monde latin, c’est le pouvoir : on garde l’information pour soi parce que ça donne un élément de pouvoir. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication bouleversent complètement l’approche des problèmes, et amènent les individus à travailler différemment. Il y a surabondance de l’information, mais aussi distorsion des informations par injection de fausses données. Il faut alors recouper les informations, et c’est l’ensemble qui compte, ce n’est pas une information qui est importante, mais d’en avoir selectionné des milliers, et d’en avoir extrait l’essentiel.
C’est une nouveauté fondamentale : pour renforcer l’impact de votre stratégie, il faut déstabiliser l’adversaire pour qu’il ne puisse pas manoeuvrer contre vous. Il y a donc un effet ampiflicateur de l’influence avec les bons et les mauvais côtés : d’un côté vous explicitez votre démarche, c’est de l’information, mais avec une contrepartie épouvantable, c’est qu’on désinforme à tour de bras.
Ca va devenir un des problèmes clefs de ces prochaines années, parce que plus les spin doctors (expression populaire britannique pour désigner les professionnels des relations publiques, censés manipuler l’opinion, NDLR) apprennent à manipuler l’information de façon efficace et plus il est difficile de décoder la réalité, voire tout simplement de savoir si l’on est manipulé ou pas. Le journaliste est une victime toute désignée....

Après on se demande pourquoi il y a si peu de blogs et de WiKis en entreprise...

Libellés : 02, reflexion

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11 Commentaires

Le 07 février, 2006, Fred dit...: C'est tellement vrai !
Le 08 février, 2006, Dudu12 dit...: exact
Le 11 février, 2006, Alexandre Giess dit...: Bonjour Philippe,

Outre de travailler pour la même boîte nous partageons certains points de vue....CF. http://alex501.blogspot.com/2004/09/livrefranais-amricains-lautre-rive.html

A +

Alexandre
Le 01 mars, 2006, Vincent Bonneau dit...: Outre le livre de Pascal Baudry (cite dans le commentaire precedent) et ceux de Ted Stanger (voir aussi Sacres americains), je conseille aussi la vision inverse (on apprend beaucoup de choses sur son propre pays) avec "Sixty million frenchmen can't be wrong" (version francaise Pas si fous ces francais!), l'experience de 2 canadiens en France...

Vincent (2 ans a SF)
Le 07 mars, 2006, Erwan dit...: Bonjour, je suis ok sur l'analyse française (je ne connais pas suffisament les US pour comparer), ceci étant difficile de changer le monde. je bosse aussi chez bytel et je suis très souvent confronté au "pouvoir" de l'info. Est-ce parce que nous ne savons pas partager ou est-ce par ce que nous ne savons pas prioriser l'info ?
Le 08 mars, 2006, Philippe - BlogMaster dit...: Je pense que ce n'est pas que nous ne savons pas partager mais plutôt que beaucoup ne veulent pas partager, la détention d'information étant soit la seule valeur ajoutée soit, pour les autres une peur que le voisin lui "pique" l'idée cachée derrière. Les francais ayant la facheuse tendance, contrairement aux américains, de toujours essayer de déborder sur l'activité du voisin, aux US, il y a des cases et personne de déborde, le travail est plus "taylorisé".
Le 22 juin, 2006, Erwan dit...: Je te cite
"on garde l’information pour soi parce que ça donne un élément de pouvoir"
Tu ne peux savoir combien tu as raison. on garde aussi des dossiers qui bloquent des carrières...
Le 14 novembre, 2006, my name is jack dit...: Ce que vous avez écrit est absolument magnifique : le français comprend tout.
Pour l'information, les français sont pas mauvais en prétention, ils ont besoin de montrer qu'ils savent, ont vu et sont même capables de généraliser.
Vous n'en parlez pas, mais vous le démontrez très bien.
L'exemple sur la petite fille en est un illustre exemple : peu convaincant.
Le 29 décembre, 2006, Brice dit...: Nous sommes sur la bonne voie, le changement est en cours ..... mais toujours avec du retard
:-)
Le 25 avril, 2008, cr0vax dit...: J'ai quand même l'impression que dans le secteur des NTIC les choses ont tendance à changer. Peut-être les latins en ont-ils marre de voir que ce qu'ils font (des produits verrouillés, car on garde l'information pour soi) ne peut juste pas fonctionner commercialement au même niveau qu'un produit utilisable (et donc ouvert).
Le 01 décembre, 2009, Anonyme dit...: ces differences illustrees ici sont surtout du domaine du travail. je vis aux USA depuis 20 ans, et meme si le verre est " a moitie plein" ici, je prefere la France ou les simples rapports amicaux sont beaucoup plus vrais. Les americains sont faciles d'approche mais faux dans leurs rapports en amitie. de plus, cette facon francaise a souligner les "problemes" ainsi que "les solutions" est composante meme de l'esprit Critique que vous ne trouveriez pas aux USA. Ce n'est pas une culture qui Debat, mais plutot une culture qui se voile la face en pensant que tout est beau et gentil. bref de la niaiserie pure....
La culture francaise est bien plus agreable parce que plus diverse.